21 Décembre 2020

[INÉDIT] 1er retour sur Terre d'un prélèvement de matière organique extraterrestre

La mission japonaise Hayabusa-2 a rapporté au moins 5,4 g de poussières de l'astéroïde Ryugu. C'est 50 fois plus que prévu ! Ces échantillons inédits pourraient renfermer des molécules organiques primitives ayant joué un rôle sur l’émergence de la vie sur Terre.
is_echantillons_20201218_hayabusa2-02.jpg

Crédits : JAXA.

Un cadeau de Noël fabuleux ! Une moisson au-delà des espérances ! Un rêve qui devient réalité… Les mots manquent pour qualifier le succès extraordinaire de la mission Hayabusa-2 qui a déposé le 06 décembre 2020, dans le désert australien, une capsule de 40 cm de diamètre contenant un trésor : au moins 5,4 g de matière de l’astéroïde Ryugu. Cette matière extraterrestre est visible sur la photo ci-dessus : ce sont tous les grains noirs semblables à du charbon et de tailles très différentes entassés sur la gauche du petit conteneur de 4,8 cm de diamètre. Ils ont été prélevés en février 2019  lors  du 1er touch & go de la sonde Hayabusa-2, alors que l’astéroïde de 900 m de large se trouvait à plus de 340 millions de km de la Terre.

is_ryugu_rotation.gif

L'astéroïde Ryugu a une forme de toupie. Image animée créée à partir de photos prises par la sonde Hayabusa-2 en juillet 2018. Crédits : ISAS/JAXA.

 

Représentation d'artiste de la sonde Hayabusa-2 recueillant un échantillon de matière sur Ruygu lors d'un touch & go de quelques secondes. Crédits : Akihiro Ikeshita/JAXA.

De la poussière organique d’un autre temps !

Il y a 10 ans, la sonde japonaise Hayabusa-1 avait déjà rapporté quelques grains d’un astéroïde mais la quantité infinitésimale (1 mg seulement) n’avait pas permis des analyses poussées en laboratoire. De plus, les échantillons provenaient d’un astéroïde de type S, c’est à dire composé principalement de silicates et non de carbone comme Ryugu. Or le carbone est l’atome à la base de la vie sur Terre ! C’est celui recherché dans la matière extraterrestre afin de comprendre l’origine de la vie sur Terre.

Les grains carbonés récoltés à la surface de Ruygu datent sans doute de plusieurs milliards d’années, de la période du Grand bombardement tardif.

Ils vont permettre de savoir si l’origine du carbone sur Terre provient des comètes et/ou des astéroïdes » souligne Francis Rocard, responsable des programmes d'exploration du Système solaire au CNES.

Ces échantillons - sans équivalent dans les collections de météorites - devraient aussi apporter des réponses sur la formation et l'évolution de notre Système solaire.

Ouverture du conteneur le 14 décembre 2020 au Japon. Crédits : JAXA/University of Tokyo/Kyushu University/JAMSTEC.

Francis Rocard, responsable des programmes d'exploration du Système solaire au CNES. Crédits : CNES/PIRAUD Hervé, 2013.

À la recherche des composés primitifs du système solaire

Depuis le 08 décembre 2020, ces échantillons inédits sont hébergés au Japon, au Centre de conservation des échantillons extraterrestres de l'Agence spatiale japonaise (JAXA) construit spécifiquement pour la mission Hayabusa-2. Ils vont être étudiés sur place durant le 1er semestre de l’année 2021. Un instrument français participera aux 1ères analyses. Il s’agit de MicrOmega, un microscope hyperspectral qui fonctionne dans le visible et l’infrarouge proche – un exemplaire était aussi présent sur l'atterrisseur Mascot. C’est le seul instrument non japonais du laboratoire !

Arrivé au Japon le 03 juillet 2020, MicrOmega a été développé à l’Institut d’astrophysique spatiale d’Orsay par l’équipe de l’astrophysicien Jean-Pierre Bibring, qui fut le responsable scientifique de l’atterrisseur Philae de la mission Rosetta. « MicrOmega va caractériser de manière non destructive la composition minéralogique et moléculaire de l’ensemble des grains de Ryugu et notamment déterminer la présence, ou non, de composés hydratés et carbonés. Par la suite, les analyses seront réalisées sur la base du catalogue établi par MicrOmega » indique Francis Rocard.

A l’été 2021, des grains de Ruygu seront envoyés vers un vaste consortium international d’environ 200 chercheurs sélectionnés par la JAXA. Certains viendront en France : à Genoble, Lille, Marseille, Paris, Orsay et Vandœuvre-lès-Nancy. Une vingtaine de scientifiques français ont en effet été retenus ! Soutenues par le CNES, les analyses françaises devraient durer jusqu’à l’été 2022. Viendra ensuite le temps d'un appel à projets international. Vous l’aurez compris l’histoire – terrestre – de ces échantillons – extraterrestres – ne fait que commencer !

Chapeau bas et félicitations à la JAXA pour le succès de la mission Hayabusa-2 ! 

Les grains sombres de la photo principale sont localisés dans la chambre principale, appelée A, qui a été ouverte le 15 décembre 2020. Ils ont vraisemblablement été collectés lors du 1er touch & go en février 2019. Les chambres B et C pourraient aussi contenir des échantillons, sans doute issus du 2ème touch & go réalisé en juillet 2019. Crédits : JAXA.

1er retour de gaz extraterrestre 

Le conteneur d'Hayabusa-2 contenait aussi du gaz émis par les échantillons collectés lors du voyage jusqu'à la Terre (il faisait plus chaud dans la capsule que sur l’astéroïde). Ces gaz seront analysés pour déterminer leur composition chimique et moléculaire. « Il s’agit du tout premier retour d’échantillon au monde d’un matériau à l’état gazeux depuis l’espace lointain » a indiqué l’Agence spatiale japonaise.