27 Juin 2018

La sonde Hayabusa2 est arrivée autour de Ryugu

Après 3 ans et demi de voyage, la mission japonaise est arrivée à 20 km de l’astéroïde Ryugu. Le CNES participe à l’aventure avec le petit robot Mascot qui y analysera la surface. Explications sur ce succès et échanges avec Francis Rocard, responsable du programme d’exploration du système solaire au CNES.

Ryugu, un astéroïde unique en son genre

Le « faucon pèlerin » (Hayabusa) est arrivé à destination ! À plus de 280 millions de kilomètres de la Terre, la sonde japonaise a réussi sa dernière phase de navigation optique pour s’approcher à 20 km de l’astéroïde Ryugu ce mercredi 27 juin 2018. « À chaque fois qu’on arrive près d’un astéroïde ou d’un corps céleste que l’on n’a jamais exploré, il y a une phase de surprise et d’attente, s’enthousiasme F. Rocard. Les astéroïdes, on en dénombre environ 800 000 à ce jour, sont des objets qui sont incroyablement divers, qui ont des tailles et des densités très différentes. Lors de la phase d’approche, dès que la résolution des images augmente, les nouvelles découvertes sont rapides ». Ryugu n’a pas fait exception, avec ses 900 m de diamètre, sa rotation toutes les 7h36 et sa topographie écrasée sur l’équateur que les équipes scientifiques au sol commencent à décrypter : comme les 13 autres astéroïdes survolés ou orbités avant lui par les sondes des différentes agences, cet astéroïde est unique !

La mission Hayabusa2 a quitté la Terre le 3 décembre 2014, et l’a survolée exactement un an plus tard, pour gagner de la vitesse grâce à l’effet de fronde gravitationnel. La sonde s’est ensuite lancée à la poursuite de l’astéroïde 1999 JU3, renommé Ryugu le 28 septembre 2015. Malgré sa masse de 609 kg seulement, elle s’est rapprochée lentement de son objectif, utilisant seulement 24 kg de carburant pour son voyage, grâce à ses quatre propulseurs électriques ioniques. À présent qu’elle a atteint son but, elle va rester 18 mois autour de Ryugu, continuant de se rapprocher jusqu’à 5 km de la surface en juillet, puis encore plus proche (1 km) en août pour une mesure précise de la gravité et donc de la densité interne de l’astéroïde, premier du genre ainsi étudié. « Ryugu fait partie de la famille des astéroïdes de type C, carbonés et probablement hydratés, précise F. Rocard. Il y a donc un intérêt pour comprendre l’origine du carbone et de l’eau sur Terre, mais aussi pour étudier la chimie du carbone lors de la formation de notre Système Solaire ».

Un laboratoire inédit

Hayabusa2 est équipée de plusieurs instruments pour étudier l’astéroïde en détail. Il y a d’abord ses capteurs de bord : un groupe de 3 caméras optiques, un laser altimétrique, un spectromètre proche-infrarouge et une caméra thermique. Ensemble, ces instruments fourniront aux scientifiques de quoi cartographier précisément Ryugu, d’estimer son âge, sa masse, sa densité et certains des matériaux qui composent ses éléments en surface. Des indices très importants car la sonde ira ensuite frôler la surface avec son instrument de collecte d’échantillons. L’opération sera réitérée 3 fois, dont une après l’explosion d’un petit impacteur de 2 kg, qui devrait percuter la surface à près de 2000 m/s ! Les poussières collectées seront transférées dans une capsule et reviendront sur Terre en 2020. Enfin, Hayabusa2 déploiera à partir d’octobre 2018 quatre robots qui tomberont lentement vers la surface pour y rebondir et s’y poser, dont trois de différentes universités japonaises (1 kg environ) ainsi que l’atterrisseur franco-allemand Mascot, souvent décrit comme l’héritier de Philae, le premier robot à avoir atterri sur une comète en 2014. Francis Rocard détaille :

« Mascot est bien plus petit que Philae, il ne pèse que 10 kg environ, soit 10 fois moins que son ainé ! Pourtant, c’est vrai qu’il y a une parenté évidente grâce au retour d’expérience : le CNES est en charge des mêmes éléments, à savoir les batteries, la transmission des signaux, la préparation du largage, par exemple. Et les allemands nous ont demandé de faire réaliser par l’Institut d’astrophysique spatiale l’instrument miniaturisé MicrOmega. Un véritable défi, qui va permettre d’analyser les spectres d’absorption à la surface, et de comprendre la composition minéralogique des grains à la surface de Ryugu.
Il faut pour cela revenir un peu dans le passé : lors de précédents survols à distance, la signature minéralogique de la surface des astéroïdes a été plusieurs fois « décevante » car nous n’avons pas trouvé les informations de composition que nous attendions. C’est dû à ce que les anglais appellent le Weathering Effect, à savoir l’altération des premières couches à la surface de l’astéroïde, soumis depuis des millions d’années aux radiations UV et au vent solaire, ainsi qu’aux températures extrêmes.

Grâce à Mascot et à l’instrument MicrOmega, nous allons pouvoir faire ces mêmes mesures au niveau du sol, ce qui n’a jamais été réalisé. Mascot a un fonctionnement très particulier, car c’est un simple cube. Il va se poser sur la surface, rebondir plusieurs fois à cause de la très faible gravité régnant sur l’astéroïde, puis s’orienter à l’aide d’une roue gyroscopique interne qui est au cœur de son fonctionnement. Une fois les mesures transmises à la sonde, Mascot utilisera cette même roue gyroscopique pour faire un saut incontrôlé ! La méthode est en fait assez simple : la rotation rapide de la roue est stoppée brusquement par un frein. La physique fait le reste, la force inertielle fait décoller Mascot. Nous espérons faire 2 à 3 bonds à la surface de Ryugu. »

Le voyage de retour

Hayabusa2 est donc une mission qui fournira des données inédites grâce à ses instruments à distance, sur la surface de la comète, et grâce aux matériaux échantillonnés. Une variété des techniques qui permettrait de parer à un éventuel problème sur une des composantes, mais qui permet aussi une richesse des analyses grâce aux équipements d’analyse des laboratoires qui vont pouvoir manipuler ces grains de matière dans les années à venir … Tandis qu’une partie des échantillons sera gardée pour les générations futures, lorsque de nouvelles méthodes d’analyse auront émergé.

D’ici là, les équipes japonaises sont déjà à pied d’œuvre pour étudier la surface, identifier les sites de collecte et d’atterrissage les plus intéressants. Comme le souligne F. Rocard : « Les prochaines observations sont cruciales et trois mois pour faire ces choix, ce ne sera pas de trop ! »

Pour en savoir plus

En vidéo : Arrivée de Hayabusa2, déroulement de sa mission et celle de Mascot, et retour des échantillons vers la Terre

Suivre également l'évolution en temps réel de cette mission sur le site de la JAXA.

Contact

Responsable du programme Système Solaire
Francis Rocard
Courriel : francis.rocard at cnes.fr
Tél : 01 44 76 75 98 / +33 1 44 76 75 98
Fax : 01 44 76 78 59 / +33 1 44 76 78 59
Adresse :
Centre National d'Etudes Spatiales, 2 place Maurice Quentin, 75039 Paris Cedex 1, France

L’astéroïde Ryugu, photographié à 40 km de distance le 24 juin 2018.
Crédits :  JAXA, University of Tokyo, Kochi University, Rikkyo University, Nagoya University, Chiba Institute of Technology, Meiji University, Aizu University, AIST